Difficile d'être cadre et syndicaliste

Je suis cadre B dans une ville moyenne de la région parisienne.
Par rapport aux agents de mon service, je n’ai jamais voulu avoir en même temps la casquette de syndicaliste et d’encadrante. Elue Chs, des collègues de mon service font appel à moi, mais je ne me trouve pas la mieux placée pour leur venir en aide. J’ai toujours préféré intervenir en direction d’autres services que du mien.

Difficile d’être cadre et syndicaliste. On doit gérer des contradictions et se trouver souvent en porte à faux, vis-à-vis de sa hiérarchie, des collègues de catégorie C et même du syndicat. Certains camarades se demandent s’ils doivent choisir entre poursuivre leur activité syndicale et prendre des responsabilités professionnelles, progresser dans leur carrière. En devenant agent de maîtrise ou chef de service, ne va-t-on pas donner aux autres camarades le sentiment que l’on « trahit les siens » ?

J’ai souvenir d’un mouvement social dans un service dont le responsable est syndiqué Cgt.
Un conflit s’est plus ou moins développé entre les militants de la Cgt et le cadre syndiqué, les premiers ne comprenant pas la position du second par rapport aux revendications. Le cadre voulait rendre sa carte. Cela m’avait interpellée. Est-ce que l’adhésion au syndicat peut être si facilement remise en question ? Est-ce que le cadre syndiqué, surtout s’il est le seul cadre syndiqué dans le service, ne se sent pas isolé et incompris ? Le syndicat a tendance à être plus exigeant vis-à-vis des cadres syndiqués, comme si le seul fait d’être syndiqué devait permettre de surmonter les contradictions. Comme si ce cadre avait la capacité de résoudre des problèmes dont il ne porte pas la responsabilité, sur lesquels il ne dispose pas d’un pouvoir de décision.

Il faut davantage de communication entre nous si l’on veut éviter les incompréhensions. Nous devons travailler ensemble, syndiqués de toutes catégories confondues. Mais aussi entre nous cadres A et B pour sortir de notre isolement, pour que notre adhésion Cgt soit autre chose qu’un acte individuel, sans portée collective. N’avons-nous pas tendance à nous autocensurer, à penser qu’il serait indécent de défendre nos propres intérêts ? A considérer que nos problèmes sont secondaires par rapport à ce que vivent les agents dits « d’exécution » ? Je pense que pour être utiles à tous, nous devons nous faire reconnaître et exprimer nos difficultés, nos besoins et nos revendications.

[Difficile d’être cadre et syndicaliste.

Je suis bien d'accord. Dans notre syndicat (CGT conseil général) nous avions choisi de ne pas distinguer les cadres et les non cadres. Nous revenons récemment sur cette position : Nous nous sommes apperçus que lorsque nos cadres B passaient un concours et devenaient cadre A, peu de temps après, ils quittaient le syndicat. j'ai discuté avec certains d'entre eux. Ils se retrouvent souvent très vite mal à l'aise dans les réunions : les camardes tapent toujours sur leur hiérarchie directe, car elle est leur premier interlocuteur. Ils ne mesurent pas toujours dans quoi sont pris leurs "chefs" qui se débattent entre des consignes de leur propre hiérarchie, que parfois ils désapprouvent et tentent de remettre en cause, et la pression des agents sous leur direction, qui adressent à eux leur insatisfaction. D'ou l'intérêt de proposer aux cadres intermédiaires des réunions spécifiques pour parler de leurs problèmes (avant de les perdre !). Mais aussi, de continuer à associer les syndiqués de tous grades, lorsque les revendications convergent, pour ne pas cloisonner le syndicat...

Je partage le double souci exprimé par Isabelle : ne pas créer de cloisons dans la vie syndicale et offrir des espaces aux cadres A et B, quelle que soit d’ailleurs la forme d’organisation que ces derniers choisissent : deux sections dans un seul syndicat ou syndicat Ufict à côté du syndicat « ouvriers-employés ».

Nous devons réfléchir à des formes de vie syndicale permettant aux A, B et maîtrises de s’exprimer et de construire eux-mêmes leurs revendications tout en s’inscrivant dans un combat commun à l’ensemble des salariés.

Une dernière chose (pour l’instant) : ce travail « spécifique » concerne tout autant les B que les A, les encadrants et les non encadrants. Mais, pour développer un syndicalisme en phase avec ce que vivent les uns et les autres, nous avons besoin d’une activité diversifiée. C’est d’ailleurs ce vers quoi tend l’Ugict en créant des pôles « cadres », « ingénieurs », « professions techniciennes »…
Cf : les liens avec le document du 15e congrès Ugict :
http://congresufictsp.blogspirit.com/media/00/01/d1955b60e1c6e23f1bfa2011a6a34418.rtf
http://congresufictsp.blogspirit.com/media/01/00/491bb1f7a4e6112e0190f60bc015a2bd.rtf

Difficile d'être cadre et syndicaliste, dit Catherine.
Besoin de rompre l'isolement et d'échanger constate Isabel.
ce constat, combien d'entre nous ne l'ont ils pas vécu eux mêmes ou fait autour d'eux ?
L'individualisation rampante que nous dénonçons régulièrement à travers les diverses réformes et atteintes au statut est bien au coeur du sujet, avec en parallèle le retour en force d'un certain ordre moral teinté par des notions de mérite, de performance et de réussite complétés par une tolérance zéro vis à vis de tout écart ou erreur.
Tout cela se traduit au quotidien pour nombre d'ICTAM face aux difficultés et contradictions des missions, par un sentiment d'échec et d'incompétence personnels qu'il est impossible d'évoquer face à sa hiérarchie et à ses collègues et encore moins face aux agents que l'on encadre.
N'avons nous pas nous mêmes, syndiqués et syndicalistes, intégré pour partie cette pensée et ce discours dominants ?
Combien de fois, en effet, n'avons nous pas dans notre pratique syndicale, face à des situations diverses de conflit, réduit trop facilement
et rapidement le problème à des aspects personnels et individuels plutôt que d'interroger le collectif et l'organisation du travail au sein du service et de la collectivité ?
L'outil spécifique n'a de sens que s'il permet de prendre en compte, sans tabous ni censure, l'ensemble de ces interrogations et, en partant de la diversité des expériences individuelles, de faire émerger la revendication collective.
Au concret, compte tenu du territoire géographique, de l'existence ou non de syndicats ou sections ICTAM, de leurs effectifs et du niveau d'intervention des camarades dans la collectivité, cette démarche peut revêtir diverses formes d'organisation, du collectif syndical local à celui de la CSD.
A nous d'en débattre et d'en déterminer la forme et l'organisation, car en ce domaine comme dans d'autres rien ne se fera spontanément !

Je suis d’accord avec cette idée : le syndicat permet de faire émerger la revendication collective à partir de ressentis individuels. L’outil spécifique me semble indispensable pour affronter les contradictions auxquelles nous sommes confrontés dans notre activité professionnelle.
« Compétences », « mérite », « efficacité », « performance », « management » : chacun de ces termes peut se traduire de façons très différentes selon le contexte et l’objectif dans lequel il s’inscrit. Nous disposons de quelques repères pour en mesurer la portée et le sens : la satisfaction des besoins de la population, l’épanouissement des individus, le développement des capacités humaines, les solidarités, le progrès social… Si ces valeurs portées par notre syndicalisme CGT ne relèvent pas uniquement des catégories ICTAM / A, B et maîtrise (encore heureux !), elles peuvent trouver des déclinaisons spécifiques en fonction des missions et des responsabilités particulières qui incombent à nos catégories.

Pour moi, une seule question mérite d’être posée : « la CGT a-t-elle ou non vocation à rassembler tout le salariat ? » Privés d’emploi, précaires, salariés sans qualifications, professions « intermédiaires », salariés très qualifiés, à fortes doses de responsabilités ou d’expertise... Comment des personnes dont les situations, les histoires, les parcours sont si différents pourraient-elles se reconnaître dans un discours et des pratiques uniformes pour ne pas dire réducteurs ? Bien évidemment, prendre en compte les qualifications et la place dans l’organisation du travail est une nécessité pour tout syndicaliste qui veut être un tant soit peu efficace pour modifier le cours des choses. Si la CGT veut dépasser les 3 ou 4 % de syndiqués d’aujourd’hui, il lui faut – notamment – une activité et des outils « spécifiques ». Je suis particulièrement attaché à l’unité des salariés, à l’unité de la CGT. L’unité, ce n’est pas le monolithisme.

Faut-il un syndicat UGICT ou une section ?

Pour avoir vécu les 2 cas dans mes emplois successifs en collectivité territoriale, je réponds sans hésitation : un syndicat ayant son organisation propre.

Pourquoi : les cadres ont le droit d’être défendus, parfois contre des subordonnées… qui peuvent syndiqués à la CGT ou malgré l’avis négatif des syndiqués relativement à sa personne ou ses actions.

Comment : en ayant des statuts qui permettent d’ester en justice pour la défense de ses membres et des cadres dans leur ensemble.
Certains objecteront que la CGT ne doit parler que d’une seule voix face à l’employeur.
Des moyens existent ; à la ville de Lyon, nous avons une commission exécutive mensuelle sur une journée. Le matin, elle rassemble les CE des 2 syndicats( catégorie C et cadres A et B) , l’après-midi, nous tenons nos réunions séparément. Nos bureaux se rencontrent régulièrement, nous partageons les mêmes locaux et veillons à organiser des délégations composées de représentants des 2 syndicats.

Mais lorsqu’il y a désaccord ? il arrive parfois que nous ayons des vues nuancées voire opposées. Il convient alors de l’expliquer à nos adhérents et aux salariés.
Lorsqu’il n’y a qu’une seule structure CGT , les cadres ont parfois du mal à faire prendre en compte leurs revendications spécifiques.

L’adhésion est facilitée avec l’organisation spécifique UGICT.